Festival Livres en Marches : Rémy Knafou et Heïdi Sevestre s'expriment sur l'avenir des montagnes.
Le "festival de rencontres" Livres en Marches, qui se tenait les samedi 30 et dimanche 1er octobre dans le village des Marches-Portes de Savoie, a accueilli deux auteurs de la maison. La programmation de ce festival engagé, qui veut "essaimer la matière à penser", est très proche de l'ADN des Éditions du Faubourg.
Heïdi Sevestre, co-autrice avec François Bernard de Demain, c'est nous, a rencontré les lycéens de Chambéry vendredi et débattu samedi avec Anne-Sophie Novel de la question : « Et si l'éducation était la solution ? » (rencontre animée par Justine Muridi).
Rémy Knafou, auteur de Réinventer (vraiment) le tourisme s'est entretenu dimanche avec le maire de Bourg-Saint-Maurice, Guillaume Desrues, et Ariane Crosnel, sur la question suivante : « Demain, quelle économie poour nos montagnes ? » (débat modéré par Guillaume Desmurs).
En introduction, Rémy Knafou a rappelé deux spécificités qui le caractérisent :
« D’une part je suis un universitaire qui défend l’intérêt général, ce qui n’est pas si courant car ceux qui s’expriment sur le tourisme ont toujours quelque chose à nous vendre. D’autre part je suis celui qui s’intéresse à la montagne depuis le plus longtemps puisque j’étais là avant le plan neige et j’ai fait ma thèse sur les stations de montagne (publiée en 1978). »
Son constat n’a pas changé depuis lors :
« J’avais décortiqué à l’époque un système basé sur la fuite en avant, imaginé par des promoteurs : toujours plus de lits (vides) et de remontées mécaniques (chères), dont nous n’arrivons pas à sortir.
La moitié des lits sont occupés moins de 3 semaines par an et ce qu’on appelle les lits « chauds » ne sont remplis qu’au mieux 3-4 mois par an. »
Le maire de Bourg-Saint-Maurice a tenu à rappeler en introduction :
« Je suis loin d’être contre le ski, qui a permis à la vallée de la Tarentaise de se développer les 50 dernières années. »
Mais « le monde change » et « Les Arcs c’est 40 000 lits touristiques », a souligné celui qui a déclaré un moratoire sur la construction de nouveaux lits. « Tous les nouveaux lits seront dédiés aux occupants à l’année. Car construire c’est une chose, gérer c’en est une autre. »
Ariane Crosnel, qui explore la transition, se demande « à quoi pourrait ressembler la montagne demain » et souligne que « [c]es territoires concentrent toutes les complexités systémiques de nos transitions. »
Tous cherchent à comprendre pourquoi le modèle est si difficile à transformer.
Il est évident que la montagne est un modèle réduit du problème que nous connaissons à l’échelle globale. Que va-t-il se passer quand il n’y aura plus de pétrole ?
Il faut se préparer à l’idée que le ski aura été une parenthèse de l’histoire.
« C’est héroïque de réorienter le modèle alors qu’il génère autant d’argent. Nous avons les capacités suffisantes comme le montre l’exemple des Arcs », ont félicité Ariane Crosnel et Rémy Knafou.
Comment enrayer la machine ? demande l'animateur à Guillaume Desmurs, qui répond :
« On n’y arrive pas, dit le maire de Bourg-Saint-Maurice. Car légalement on ne peut distinguer habitat temporaire et permanent. On n’est pas à l’échelle. J’ai transformé le funiculaire des Arcs en transports en commun : 5€ l’aller-retour au lieu de 15€. Et nous sommes la 1ère station qui arrête de promouvoir cette destination auprès des non-Européens (afin de ne pas être responsable des vols longs courrier. »
« C’est le récit qui mène le monde, embraye Rémy Knafou. C’est parce que nous avons entendu parler de lieux que nous voulons y aller. Les spécialistes du marketing touristique nous vendent un imaginaire qui ne corrige pas la réalité. Il faut transformer nos imaginaires, ce que le confinement a commencé à faire : aller voir moins loin de chez nous !"
« L’imaginaire fixé par Les bronzés font du ski n’a pas changé », souligne Guillaume Desmurs, rejoint par le maire de Bourg-Saint-Maurice : « le phénomène Folie douce a créé un nouvel imaginaire loin de la montagne pour se ressourcer : là c’est aller en montagne pour se mettre une grosse caisse ! »
Revoir le débat en vidéo :